L’Institut syndical européen (Etui) a dévoilé, hier, une série d’infographies représentant les évolutions salariales dans l’Union européenne entre 2000 et 2012. Les résultats sont sans appel. Les pays touchés par les politiques d’austérité sont aussi ceux dont les salaires ont le plus chuté. En première ligne, la Grèce, avec une perte de salaire vertigineuse de 4,88 % entre 2009 et 2012. Idem au Portugal, où la baisse est de 1,6 %. L’Espagne et l’Italie ne sont pas loin derrière, avec respectivement, un abaissement de 0,45 % et 0,56 %. La France se maintient avec un léger bond de 0,7 %. La diminution des salaires entraîne dans sa chute les rémunérations horaires.
Par exemple, en Grèce, en 2012, le salaire horaire minimum décroît de 24,3 %.Alors que les salaires plongent, ouvrant la porte à une plus grande pauvreté et exclusion sociale, tout en freinant la consommation, le chômage flambe. En Grèce, les personnes sans emploi représentaient 7,7 % de la population active en 2008 contre 24,3 % 2012, dont 57,2 % sont des chômeurs de longue durée. La même tendance s’observe au Portugal. En 2008, le chômage était de 8,5 %, quatre ans plus tard, il plafonne à 15,9 %. L’Hexagone n’est pas en reste avec un passage de 7,8 % de la population active en 2008 à 10,3 % en 2012. Au total, 26,5 millions de personnes sont privées d’emplois sur le Vieux Continent.
Pas de doute, pour Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), « les salaires sont la première cible des mesures d’austérité partout en Europe, ils sont devenus l’instrument clé du mécanisme d’ajustement d’une politique de dévaluation interne ». Résultat, dans ces pays où les salaires dégringolent, la pauvreté a grimpé. En 2011, 31 % de la population risquait de tomber dans une grande précarité en Grèce et 24,4 % au Portugal. En France, pas moins de 19,3 % des habitants sont concernés. Les richesses produites par les États sont aussi en berne. Alors que la rigueur est censée restaurer la confiance des marchés financiers et la compétitivité des pays, la richesse produite par État, au contraire, s’effondre. En Grèce, le produit intérieur brut (PIB) baisse de 6,4 % rien qu’en 2012.
Bernadette Ségol observe que « cette tendance (des politiques d’austérité – NDLR) n’a pas résolu les problèmes de compétitivité, en particulier dans les pays soumis à un plan de sauvetage financier. Cela a, au contraire, aggravé les problèmes existants en affectant les plus vulnérables ».
Ces politiques drastiques ont entraîné l’Europe dans une spirale, aggravant la crise économique et sociale. La CES met en garde les dirigeants européens : « Dix mois avant les élections européennes, chômage de masse et politiques de réduction des salaires constituent un cocktail dangereux qui nuit au soutien des citoyens pour le projet européen (…) Un changement de cap s’impose d’urgence pour restaurer la confiance et la croissance. » D’autant que le dogme de l’austérité commence à être sérieusement remis en cause. En avril, une étude avait démontré que les calculs des économistes de Harvard, théoriciens de la rigueur budgétaire, étaient erronés. Contrairement à leurs analyses fumeuses, une dette publique de plus de 90 % du PIB ne conduit pas automatiquement à la récession. Certains pays, comme les Pays-Bas, ont déjà retenu la leçon, en mettant en place des politiques de relance. Pendant que la plupart des pays d’Europe s’enfoncent toujours dans la rigueur.